Les mères lyonnaises

La mémoire officielle les a « mangées », effacées, oubliées. La mémoire populaire, elle, les a gardées en vie : les « mères lyonnaises », formidables cuisinières et femmes de caractère, n’ont pas seulement contribué à forger la réputation gastronomique de la ville de Lyon, elles ont fait œuvre pionnière. Elles furent des cheffes avant la lettre, dirigeant de main de maître leurs petits ou grands restaurants, régnant sur leurs fourneaux comme en salle. D’Eugénie Brazier, la fameuse « Mère Brazier », qui décrocha les trois étoiles du guide Michelin dès 1933, à Marie-Thé Mora, cordon bleu et grande amoureuse, en passant par la géniale Paule Castaing, la gouailleuse Léa Bidaut et la (trop) modeste Fernande Gache, toutes régalèrent gourmets anonymes et célébrités, gens de peu et riches notables.

Dans son livre, « Mangées » (sous-titré « Une histoire des mères lyonnaises »), Catherine Simon retrace le parcours de ces femmes d’exception, rarement maternelles et encore moins lyonnaises... On y suit l’enquête – et ses coulisses – d’un tandem de journalistes, à qui le Progrès de Lyon vient de commander une « série » sur les « mères ». Loin du folklore qui entoure les « bouchons » et autres Guignols chers à la capitale des Gaules, on entre de plein pied dans la vie de ces femmes, venues de la campagne, toutes d’origine modeste, qui inventèrent les tables d’hôtes, mitonnèrent volailles demi-deuil et quenelles féériques, et transgressèrent, sans jamais s’en vanter, plus d’une ligne rouge. À travers elles, « Mangées » dessine un portrait de la France du XXème siècle et entraîne le lecteur dans une promenade gastronomique et historique de la ville de Lyon – notamment sous l’Occupation.

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