Conférence par Patricia Carlier
Docteur de l’Université de Provence AIX 1.
Civilisation médiévale méditerranéenne.
Guillaume de Nogaret
1260 ? – 1313
Un seigneur languedocien au service de la France moderne
Une destinée hors du commun
Originaire du Comté de Toulouse, Guillaume de Nogaret est né vers 1360 dans une famille de juristes connue depuis le XIIe siècle. La guerre des Cathares s'est terminée dans le sang, l'Inquisition dominicaine sévit dans tout le Languedoc. Dès 1287, il créée la chaire de droit Romain à l’université de Montpellier. Liée à son poste, la charge de juge mage de la Sénéchaussée de Beaucaire lui échoit dès 1294.
C'est dans ce cadre qu'il instruit divers procès essentiellement liés à l’industrie du sel et à l’implantation royale en baie d'Aigues-Mortes, avec application du droit français prévalant sur le droit coutumier et au commerce du sel. Les seigneurs et suzerains locaux ne se laissent pas dépouiller facilement, les pièces versées aux procès sont en occitan.
Juriste spécialiste de droit romain, de droit canon et de droit coutumier en Languedoc, maîtrisant l’occitan de naissance autant que le latin par ses études, Guillaume de Nogaret, comprend vite où est son intérêt. Il se met donc corps et âme au service du Roi Philippe IV le Bel. L’action de Guillaume de Nogaret, marque le début du monopole du sel par les Français en baie d’Aigues-Mortes puis dans la France entière qui se concrétisera par la création de la gabelle 20 ans après. Elle enrichira personnellement les Capet et construira la fortune du royaume jusqu’à la Révolution.
Le Roi prend Guillaume de Nogaret à son conseil à Paris en 1295 et l'anoblit en 1299 en lui offrant des fiefs en Languedoc oriental autour d’Aigues-Mortes.
L'homme d'Etat
Entré au conseil royal en même temps que d’autres grands personnages comme Enguerrand de Marigny, Guillaume de Nogaret partage la vision moderne de Philippe le Bel au sujet de la primauté de l'Etat sur toute autre forme de pouvoir notamment l'ingérence du Saint-Siège dans la conduite du royaume. Il va s’employer à mettre en place les rouages de l’Etat Nation et la centralisation tel que nous l’avons connu jusqu’à la Révolution. Le conseil féodal du roi devient le conseil des Ministres d’Etat du royaume de France. Fondateur de la chaire de droit romain de la plus vieille université de France, G. Nogaret est aussi le premier Garde des Sceaux, la plus haute distinction ministérielle, en 1307 et conservera le grand scel de France jusqu’à sa mort.
Il lance une réforme judiciaire primant le droit royal sur le droit coutumier dans les provinces ; il ébauche le recensement de population pour la création de l’assiette d’imposition. Il donnera naissance avec Enguerrand de Marigny chargé des finances aux fameux foyers fiscaux qui existent toujours.
Bon logisticien, Guillaume de Nogaret est également moderne dans ses moyens. Il est le premier à utiliser les sondages d'opinions au moyen d'assemblées et à utiliser la pétition pour obtenir quelque chose.
Mais Guillaume de Nogaret reste dans les mémoires pour l’attentat d’Anagni contre Boniface VIII qui lui vaut l’excommunication et l’affaire des Templiers. Usuriers des princes, gestionnaires des fonds du pélerinage et dépendants de la Papauté, ils représentaient un Etat dans l’Etat et faisaient beaucoup d’ingérence dans les affaires du Royaume au profit d’ennemis avérés parfois.
Guillaume de Nogaret organise l'arrestation générale dans les 3000 commanderies de France le vendredi 13 octobre 1307, grâce à la mise en place d'un nouveau dispositif judiciaire qu'il a mis au point : la lettre close. Ce sont ces « affaires » qui ont contribué à l’image sulfureuse de Guillaume de Nogaret relayées par la série télévisuelle «Les Rois Maudits».
Quant à la malédiction prononcée par Jacques de Molay sur le bûcher en 1314. Invention d’auteur ? réalité ? Ce qui est sûr c’est que Guillaume de Nogaret décède au printemps 1313, et Clément V et Philippe IV en 1314. Quant à Guillaume Humbert, il disparaît sans laisser de traces en 1314 aussi. Ils meurent donc tous en une année !
Il est aussi le seul homme d'Etat médiéval dont les documents personnels, saisis à sa mort, ont été versés au Trésor des Chartes sous la série J.1050. Une thèse lui est consacrée en 2003 par Sébastien Nadiras intitulée : Guillaume de Nogaret et la pratique du pouvoir.
Seigneur de la Vaunage et de la Vistrenque, une reconnaissance royale
Guillaume de Nogaret fut anobli par le roi Philippe IV le Bel et devint Seigneur de Marsillargues où il fait ériger son donjon toujours visible aujourd’hui dans le château familial, il récupère ensuite les seigneuries de Calvisson et Manduel. Il est l’auteur de la branche généalogique des Nogaret Calvisson enregistrée à l’Armorial du Languedoc.
Sont visibles aujourd'hui, huit châteaux et deux maisons fortes sur les 27 possessions connues dans le Pays par l’histoire.
Au patrimoine humain de la ville de Marsillargues, on notera que si son seigneur G. de Nogaret fut l’un des pères de la France moderne centralisée, y naquit aussi au début du siècle dernier, le père de la décentralisation M. Gaston Deferre.
Sources :
Archives municipales de Lunel. Répertoire Millerot . serie CC Nogaret
Association Maurice Alliger, Calvisson,
Laroque, Armorial du Languedoc.
Site généalogique Gérard Verhoest.com. Ref : Guillaume de Nogaret.
Site Thèse S Nadiras 2003 Ecole des Chartes : Guillaume de Nogaret et la pratique du pouvoir
Julien Théry univ de Montpellier : Revue Histoire n°289, 2004. Philippe le Bel Pape en son royaume, dans dieu et la politique, le défi laïque.